Patrimoine culturel et historique
La cité tricastine a une longue et riche histoire
Avant l'Histoire
Si aucune occupation de la période paléolithique n’a pu être repérée à Saint-Paul-Trois-Châteaux, le néolithique (- 6 000 à – 2 500 avant J.-C.) y est bien représenté par l’important site des Moulins qui s’étendait au moins sur 4 hectares au sud-ouest de la ville actuelle, aux alentours du rond-point de l’Europe.
Des populations chasséennes (4 500 à 3 500 avant J.-C.) se sont en effet installées sur une terrasse alluviale de galets calcaires formant un coteau surplombant la plaine du Rhône à l’Ouest. Au nord s’étendait une vaste zone marécageuse mise en évidence par les analyses liées à la sédimentologie.
On ne peut parler de village dans la mesure où aucune trace d’habitat élaboré n’a été mise en évidence. L’érosion ancienne du site, dès l’époque protohistorique, a de plus détruit les sols d’occupation néolithique et d’éventuelles installations rudimentaires en matériaux organiques.
La présence humaine se révèle par l’abondance des objets piégés dans un ensemble de fosses aux fonctions diverses : silos, dépotoirs ou aires d’activités. Céramiques à fonds ronds, petit outillage en silex ou en os, instruments de meunerie (meules et molettes) en grès sont les témoignages matériels laissés par ces populations qui commencent à se sédentariser et à développer des activités d’élevage (mouton, chèvre, bœuf) et d’agriculture (blé, orge).
Mais l’aspect le plus remarquable est sans doute la mise au jour de sépultures dont plusieurs sont particulièrement spectaculaires. Une fosse découverte en 1984 renfermait 3 sujets inhumés simultanément (ou de manière très rapprochée). L’un des squelettes, celui d’une femme, était en position dominante au centre de la fosse avec un vase intact disposé près de son crâne, les deux autres étaient rejetées contre les parois et semblent bien être des individus sacrifiés. Des dizaines de fragments de meules ou broyons étaient disposés dans la fosse.
Une autre fosse, fouillée en 2001, contenait 6 squelettes perturbés et remaniés.
Ces exemples de sépultures multiples parfaitement conservées sont rares pour des périodes aussi anciennes, et donc essentiels à la connaissance de ces sociétés qu’aucun support écrit ne peut nous aider à comprendre. Ils témoignent de rituels funéraires complexes, sélectifs et codifiés dont le sens et la symbolique nous échappent cependant encore en grande partie.
La période protohistorique (Âge du Bronze et Âge du Fer) est curieusement peu représentée à Saint-Paul-Trois-Châteaux. La découverte en 1988 d’un habitat du Ve siècle avant notre ère dans le centre historique (jardin de l’hôtel de l’Esplan) est le seul véritable témoignage de la présence des Tricastini, cette tribu gauloise mentionnée par des textes latins. Il semble bien que ce soit l’oppidum tout proche du Barry qui constituait la capitale de cette peuplade, avant l’occupation romaine et la fondation d’une véritable cité dans la plaine.
L'époque antique
Aux alentours du changement d’ère, une ville nommée Augusta Tricastinorum est construite à l’emplacement de la ville actuelle de Saint-Paul-Trois-Châteaux.
Elle est dotée d’une enceinte dont de longs tronçons marquaient fortement, il y a quelques décennies encore, le paysage rural environnant la ville. Fait notable, ce rempart s’inscrit dans une centurie (carré de 708 m de côté) de l’un des cadastres romains découverts à Orange. Muni de tours quadrangulaires ou circulaires, il englobe une superficie de plus de 42 ha.
En ce qui concerne l’organisation de la ville antique intra muros, plusieurs quartiers résidentiels ont été observés dans le quart nord-est de la ville. Un quartier cumulant des fonctions artisanale et résidentielle a été révélé dans le quart sud-ouest de la ville.
Aucun vestige d’édifice public n’a été observé hormis un mur en grand appareil (fait de gros blocs de pierre taillés) percé d’une porte. Il appartient peut-être à un portique limitant un espace public comme le forum.
Une nécropole se tient, selon la coutume antique, en dehors de l’agglomération, où se trouve aujourd’hui le quartier du Valladas. Plus de 240 tombes datables des Ier et IIe siècles et un mausolée étaient organisés le long d’une voie donnant accès à la ville. De magnifiques objets accompagnaient les défunts dans leur voyage, notamment des services entiers de vaisselle, des éléments de parures, des restes de nourriture…
L'époque médiévale
Au Moyen Âge, la ville devient le siège d’un évêché. Le groupe épiscopal primitif devait être installé approximativement au centre de la ville antique. Il y subsiste les vestiges de deux églises médiévales : Saint-Jean et Notre Dame, reconstruite au XVIIe siècle (extra muros).
Une vaste zone funéraire a été reconnue aux alentours de l’actuel Hôtel de Ville. Les textes narrant la vie des Saints de la cité tricastine placent les tombes des évêques du Haut Moyen-Âge dans ce secteur.
La cathédrale médiévale, construite entre la fin du XIIe et le début du XIIIe siècle, a probablement été érigée à l’emplacement d’une basilique funéraire que l’on sait avoir abrité le tombeau de l’évêque Paul qui donna son nom à la ville.
Une enceinte fortifiée attestée au XIIe siècle enserre encore la quasi totalité de la ville médiévale. Son tracé englobe une surface réduite par rapport à la ville gallo-romaine.
Ce rempart entourait à la fois des zones funéraires, les églises et l’ensemble de la colline dite « du Château » où se situait la demeure de l’évêque, seigneur spirituel et temporel de la cité.
Les guerres de Religion entraînent de profondes modifications encore perceptibles dans le centre ville. En 1408, Dieudonné d’Estaing, envoyé par le pape pour gouverner le diocèse de Saint-Paul, conclut avec le roi de France un traité de pariage afin de « s’assurer, en toute occasion, la protection» du Dauphin.
L'époque moderne
La période est avant tout marquée, comme dans tout le Dauphiné, par d’âpres luttes religieuses. Dès 1555 la foi protestante s’impose chez beaucoup de tricastins. Dès 1561, la Ville peut être qualifiée de “réformée”. En 1567 l’évêque Jean de Joly doit la quitter. Antoine Gaume sera le premier à réintégrer effectivement la Cité, mais seulement en 1594. Entre-temps le parti catholique y avait néanmoins déjà repris le dessus. Le duc de Mayenne, commandant de l’armée catholique du Dauphiné, ordonnait le démantèlement des remparts en 1581. Ces troubles ont-ils annihilé la volonté des bâtisseurs ? Il est un fait que peu de vestiges sont véritablement datables de la seconde moitié du XVIe siècle, alors que la fin du XVe siècle et le début du suivant sont bien davantage représentés.
Au XVIIe siècle l’évêque retrouve peu à peu toutes ses prérogatives. Cela s’accompagne d’importants chantiers. Les remparts sont réparés, la cathédrale commence à être restaurée, dès 1602. Dans la seconde partie du siècle, s’achève la reconstruction du palais épiscopal. Dès 1664, s’installent des dominicains, pour lesquels est construit un couvent, autour de la chapelle Notre-Dame (actuel Etablissement des Frères Maristes). Un nouvel hôpital voit le jour à partir de 1685, année de la révocation de l’Edit de Nantes.
Celle-ci va d’ailleurs accélérer le départ de la plus grande partie des familles nobles acquise à la Réforme, ainsi que de nombreux autres tricastins, dont la plus célèbre, Blanche Gamond qui émigra à Genève, et nous a laissé un récit de sa vie. L’émergence de la classe des notables s’en trouve amplifiée, de même qu’un phénomène de concentration de la propriété dans les mains de quelques-uns. Ce processus s’achève dans la première moitié du XVIIIe siècle. Dans les années 1760, cela se traduit par l’embellissement d’hôtels particuliers, dont l’exemple le plus significatif est l’hôtel de Castellane, actuel hôtel de ville, tandis que plusieurs autres et non des moindres changent de main.
Le pouvoir épiscopal est quant à lui de nouveau contesté au travers de la revendication de la présidence des assemblées communales par certains notables, dont d’anciens protestants. A la veille de la Révolution, l’Evêque et son chapitre représentent dix-neuf personnes, le clergé dans sa totalité une trentaine de membres. La noblesse est réduite à six familles, tandis que la Communauté compte “deux mille âmes tout au plus”.
L'époque contemporaine
La capitale tricastine vit la période révolutionnaire de façon assez contrastée. Dans un premier temps, autour de la mise en place de la Garde Nationale et de la Municipalité, le consensus est indéniable. Dans la notabilité locale, les personnages les plus en vue sont notamment Joseph François Payan, premier Maire de Saint-Paul en 1790 et Esprit-Joseph de Castellane, noble, nommé commandant de la Garde.
Mais dès 1791-1792, alors que disparait l’Evêché tricastin et que décède son dernier évêque, Reboul de Lambert, la nationalisation des biens de l’Eglise, les problèmes religieux en général installent la désunion. J.F.Payan et son frère Claude rejoignent les sphères politiques parisiennes, et sont proches de Robespierre. Claude est d’ailleurs éxécuté avec lui en juillet 1794. Un autre tricastin Arnaud de l’Estang prend la tête de “bandes royalistes”. Il est pris, condamné et fusillé en Avignon en juin 1796. Entre 1793 et 1795, la Cité prendra le nom de “Paul-les-Fontaines”.
Par ailleurs la Commune, tout comme l’Evêché en son temps, a des moyens limités. Les ressources sont essentiellement agricoles. Le terroir, relativement restreint et de rendement surtout irrégulier, notamment à cause du problème récurrent de l’écoulement des eaux, n’aide guère à la croissance. En 1846, la population tricastine n’est guère que de 1500 habitants.
Dès les années 1850, le développement de la Cité va aller de pair avec les fluctuations de l’exploitation industrielle des carrières de pierre du plateau au sud de la ville. L’industrialisation de cette activité est dû au baron du Bord, qui la finance à partir de 1845 (chemin de fer, plan incliné,…), avant de se désengager en 1861. Le baron sera par ailleurs maire et conseiller général de Saint-Paul.
La pierre du “Midi”, quant à elle sera largement diffusée à Lyon, Grenoble, Marseille, Lausanne, mais son exploitation ne survivra que résiduellement à la première guerre mondiale.
En 1946, la population n’est plus que de 1270 habitants ! Débute alors la période des “grands chantiers” : le canal de Donzère-Mondragon (1947-1952), l’Usine de séparation isotopique du C.E.A. (1959-1962), l’Autoroute A7 (1964), la Centrale E.DF. et Eurodif (1974-1978). Les installations nucléaires seront un facteur de peuplement décisif (autour de 7500 habitants en 2002) et susciteront la construction de nombreux logements et équipements sociaux, culturels, sportifs.
A contrario, la superficie agricole de la Commune s’est nettement réduite. On ne comptait plus que 17 exploitants en 2000. Viticulture et trufficulture constituent les deux activités les plus représentatives du Tricastin actuel.